Patrick MARTIN, David NORTH
L'investiture de Donald Trump restera dans l'histoire comme un spectacle fasciste obscène, au cours duquel le nouveau président a prononcé une diatribe haineuse contre l'administration sortante, les immigrés, de larges pans de la population américaine qu'il considère comme des ennemis, les habitants de l'Amérique latine et, enfin, la population mondiale au-delà de l'hémisphère occidental.
Dans un exemple grotesque où la vie imite la fiction politique, Trump lui-même est apparu comme l'incarnation du président Buzz Windrip, l'escroc des médias brutal et démagogue imaginé par le grand écrivain américain Sinclair Lewis dans son roman antifasciste It Can't Happen Here (Impossible ici).
Le roman dystopique de Lewis, publié en 1935, se voulait une mise en garde contre la montée du fascisme aux États-Unis. Pour défendre un capitalisme déchiré par la crise et à la recherche de profits et de richesses illimités, la classe dirigeante américaine allait placer au pouvoir sa propre version nationale d'Hitler. Quatre-vingt-dix ans plus tard, la grotesque cérémonie d'investiture du 20 janvier 2025 a confirmé l'avertissement de Lewis.
Trump n'a pas cherché à dissimuler l'inspiration fasciste de sa diatribe inaugurale. Le ton et le contenu du discours s'inspirent explicitement du premier discours radiophonique prononcé par Hitler le 1er février 1933, deux jours après son accession au poste de chancelier allemand. Le discours d'Hitler était consacré à une dénonciation venimeuse de la République de Weimar et de ses dirigeants, qu'il accusait d'avoir trahi le mythique « Volk » allemand. Tous les traîtres seraient balayés et l'Allemagne retrouverait sa grandeur.
Trump s'est approprié la perspective hitlérienne du « Reich de mille ans » et l'a présentée comme l'« âge d'or » de l'Amérique qu'il promet. Toutefois, cet âge d'or ne sera « doré » que pour Trump et les autres oligarques milliardaires qui ont assisté à son investiture, notamment Elon Musk, Jeff Bezos et Mark Zuckerberg, les trois Étasuniens les plus riches. Ils ont été rejoints par les alliés fascistes internationaux de Trump, comme la première ministre italienne Giorgia Meloni et le président argentin Javier Milei.
Les dirigeants passés et présents du Parti démocrate, dont le président sortant Joe Biden et la vice-présidente Kamala Harris, les anciens présidents Clinton et Obama, ainsi que des dirigeants du Congrès comme Charles Schumer, Bernie Sanders et Hakeem Jeffries, ont également assisté à la cérémonie. Ils ont écouté calmement et respectueusement Trump les réprimander et les dénoncer publiquement. Aucun d'entre eux n'a eu le courage politique, et encore moins le sens de l'histoire et l'attachement aux principes démocratiques, de quitter la cérémonie et de dénoncer publiquement l'arrivée au pouvoir d'un président fasciste. Au lieu de cela, ils ont salué le « transfert pacifique du pouvoir » au gouvernement le plus réactionnaire de l'histoire des États-Unis.
Trump a réitéré ses projets d'expansionnisme américain, affirmant que son gouvernement allait « reprendre » le canal de Panama. Il a déclaré qu'il adopterait un décret désignant les gangs criminels du Mexique, du Salvador et du Venezuela comme des « organisations terroristes étrangères », un statut similaire à celui de l'État islamique et d'Al-Qaïda, ce qui fournirait une justification pseudo-juridique aux attaques américaines contre ces pays.
Trump a salué le bilan du président William McKinley (1897-1901), qui s'est emparé de Cuba, de Porto Rico, de Guam et des Philippines lors de la guerre hispano-américaine, et a promis de redonner le nom de McKinley au Denali, en Alaska, la plus haute montagne d'Amérique du Nord. Il a également appelé à renommer le golfe du Mexique « golfe d'Amérique », tout en laissant dans l'ombre (mais de manière clairement implicite) les appels qu'il a lancés ces dernières semaines en faveur de la prise de contrôle du Groenland par les États-Unis et de l'annexion du Canada en tant que 51e État.
Trump a annoncé qu'il signerait immédiatement des décrets déclarant une « urgence nationale » à la frontière entre les États-Unis et le Mexique et qu'il déploierait l'armée pour repousser ce qu'il a décrit à plusieurs reprises comme une « invasion » des États-Unis par un ennemi étranger. Ces mesures font partie d'un ensemble de décrets anti-immigrants qui comprendront le rétablissement de la politique Remain in Mexico (Restez au Mexique), qui viole le droit international en expulsant tous les demandeurs d'asile, et le renforcement de l'appareil policier et militaire pour mener une série de rafles de plus en plus fréquentes contre les quartiers d'immigrants et les lieux de travail. Cela pourrait conduire à l'arrestation de centaines de milliers, et finalement de millions de travailleurs.
Cet assaut contre les droits démocratiques s'étendra bientôt à l'ensemble de la classe ouvrière, qu'elle soit née dans le pays ou immigrée. Trump cherche à interdire toute opposition, et toute résistance, à son vaste programme de réduction des prestations sociales afin de financer à la fois une prolongation de ses baisses d'impôt de 2017 pour les riches – qui expireront cette année – et une nouvelle expansion massive de la machine militaire américaine.
Trump a déclaré qu'il utiliserait l'Alien Enemies Act (loi sur les ennemis étrangers), une mesure infâme promulguée en 1798, comme base de ses plans de détentions et d'expulsions massives, présentant des millions d'immigrants fuyant la guerre et la pauvreté comme s'ils étaient une armée d'invasion. La loi a été invoquée pour la dernière fois pendant la Seconde Guerre mondiale pour violer les droits démocratiques des immigrants allemands, italiens et japonais résidant aux États-Unis. En vertu de cette loi, ces personnes ont été soumises à l'enregistrement, à la surveillance, à la relocalisation ou à l'internement, en fonction du niveau de menace perçu.
L'objectif est de terroriser les communautés d'immigrés et de diviser la classe ouvrière, créant ainsi les conditions d'une répression accrue contre toute opposition.
Le caractère dictatorial de ce programme est le sous-entendu de la description que Trump se donne lui-même en termes explicitement messianiques, affirmant qu'il a échappé à la balle d'un assassin l'été dernier parce qu'il avait été « sauvé par Dieu pour rendre à l'Amérique sa grandeur ». L'apparat et la cérémonie d'investiture ont été imprégnés d'une rhétorique et de symboles religieux et militaristes, conformément à la présentation de Trump comme un nationaliste chrétien choisi par Dieu.
Trump a même proclamé la « destinée manifeste » des États-Unis, à savoir envoyer les premiers astronautes sur Mars et planter le drapeau américain sur une autre planète. Il ne fait aucun doute que les gouvernements du monde entier prendront note de ce langage, en particulier en Amérique latine et au Canada.
Le slogan de la « destinée manifeste », qui suggère que les États-Unis ont le droit divin de s'étendre aux dépens de voisins plus faibles, a été mis en avant pour la première fois par le Parti démocrate, alors dominé par les propriétaires d'esclaves du Sud, lors de l'élection de 1844. La « destinée manifeste » a justifié la position agressive des États-Unis dans le conflit frontalier avec le Canada dans le nord-ouest du Pacifique, puis l'annexion du Texas en 1845 en tant qu'État esclavagiste, et enfin la guerre de 1846-1848 au cours de laquelle les États-Unis se sont emparés de la moitié du Mexique et l'ont annexée. Abraham Lincoln a répudié ce slogan comme étant le cri de guerre d'une puissance esclavagiste expansionniste. Trump l'adopte comme le cri de guerre de l'oligarchie capitaliste.
Le caractère personnaliste et triomphant du discours inaugural du Führer Trump était indubitable. Il s'est présenté comme la puissance dirigeante, annonçant des mesures radicales à mettre en œuvre unilatéralement sous le couvert de déclarations d'urgence nationale. Contrairement aux « 100 jours » de Roosevelt, qui consistaient à soumettre au Congrès des propositions de lois qui ont été promulguées dans le cadre du New Deal, Trump appelle à « 100 décrets », promulgués de sa propre autorité. Dans son discours, il n'a fait aucune référence au Congrès ni même au Parti républicain, soulignant plutôt son rôle unique et singulier.
Mais malgré toutes les fanfaronnades nationalistes, la lâcheté et la complicité des démocrates, le discours de Trump a largement surestimé la puissance de l'impérialisme américain et sous-estimé la résistance que le programme fasciste de Trump et des républicains provoquera, à la fois à l'intérieur des États-Unis et à l'échelle mondiale.
Trump peut saluer William McKinley, mais McKinley a été président de 1897 à 1901, au début de l'époque impérialiste, lorsque les États-Unis étaient une puissance mondiale montante. La présidence de Trump intervient alors que le capitalisme est dans une impasse, tant aux États-Unis qu'au niveau international.
Si un autre dirigeant mondial avait prononcé un discours en 2025 promettant un programme aussi grandiose d'agression internationale et de domination mondiale, ses remarques seraient considérées comme remettant en question non seulement son jugement, mais aussi sa santé mentale.
La perspective de Trump est une illusion, mais elle n'en est pas moins dangereuse pour autant. Son gouvernement répondra de manière impitoyable et violente, à la fois contre l'opposition inévitable qu'il rencontrera de la part d'autres gouvernements capitalistes poursuivant les intérêts de leurs propres classes dirigeantes et, surtout, contre la résistance des masses de travailleurs dans le pays et à l'étranger.
Les démocrates sont bien conscients des dangers. Dans les dernières heures de son mandat, le président Biden a gracié des membres de sa propre famille et des personnalités comme le général à la retraite Mark Milley, l'ancien responsable de la santé publique, le Dr Anthony Fauci, ainsi que les membres et le personnel de la commission de la Chambre des représentants qui a enquêté sur la tentative de coup d'État de Trump du 6 janvier 2021. Il a exprimé sa crainte que l'administration Trump mette à exécution ses menaces de poursuites vengeresses à l'encontre de ses opposants politiques.
Les démocrates se préoccupent de se protéger de la colère de Trump, mais ils n'ont pas levé le petit doigt pour protéger des millions d'immigrés et d'autres membres de la classe ouvrière qui subissent actuellement les attaques d'un président fasciste. Ils ne le feront pas non plus.
Trump réintègre la Maison-Blanche en tant que représentant d'une oligarchie avide d'argent, dont la richesse stupéfiante est inversement proportionnelle à sa base sociale réelle. Le lieu de la cérémonie, à l'intérieur de la Rotonde plutôt qu'à l'extérieur du Capitole en présence du public, illustre l'isolement réel de l'élite dirigeante.
Elon Musk, incapable de se contrôler, a célébré l'arrivée au pouvoir de Trump par deux saluts hitlériens déchaînés. Mais l'enthousiasme de l'oligarque pour la dictature n'est pas partagé par la classe ouvrière. La véritable signification du 20 janvier 2025 est qu'il a inauguré une ère de conflit de classe irrépressible d'une ampleur et d'une intensité sans précédent dans l'histoire des États-Unis.
Source : le World Socialist Website